Le harcèlement au travail demeure un fléau persistant dans de nombreuses entreprises. Face à ce phénomène, les employeurs ont des obligations légales strictes. Quelles sont ces obligations et comment les mettre en œuvre efficacement ?
Le cadre juridique du harcèlement au travail
Le Code du travail définit clairement le harcèlement moral et sexuel. Le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale du salarié ou de compromettre son avenir professionnel. Le harcèlement sexuel, quant à lui, se manifeste par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui portent atteinte à la dignité de la personne en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
La loi du 6 août 2012 a renforcé les dispositions relatives au harcèlement sexuel, élargissant sa définition et alourdissant les sanctions. Les employeurs doivent être particulièrement vigilants car leur responsabilité peut être engagée même s’ils n’ont pas directement commis les actes de harcèlement.
L’obligation de prévention
La première obligation des employeurs est la prévention. Ils doivent mettre en place des mesures visant à empêcher la survenance d’actes de harcèlement. Cela passe par l’élaboration d’une politique claire contre le harcèlement, la sensibilisation des salariés et la formation des managers.
L’employeur doit afficher dans les lieux de travail et dans les locaux où se fait l’embauche le texte des articles 222-33 et 222-33-2 du Code pénal relatifs au harcèlement sexuel et moral. Il est recommandé d’aller au-delà de cette obligation légale en mettant en place une charte éthique ou un règlement intérieur détaillant les comportements proscrits et les sanctions encourues.
La formation des managers est cruciale. Ils doivent être capables de détecter les signes précoces de harcèlement et savoir comment réagir. Des sessions de sensibilisation pour l’ensemble du personnel permettent de créer une culture d’entreprise hostile au harcèlement.
L’obligation d’action face à un signalement
Lorsqu’un cas de harcèlement est signalé, l’employeur a l’obligation d’agir rapidement. Il doit mener une enquête interne pour établir les faits. Cette enquête doit être impartiale et confidentielle pour protéger toutes les parties impliquées.
Si les faits sont avérés, l’employeur doit prendre des mesures disciplinaires à l’encontre du harceleur. Ces mesures peuvent aller jusqu’au licenciement pour faute grave. L’employeur doit veiller à protéger la victime de toute forme de représailles.
La mise en place de procédures claires pour le signalement et le traitement des plaintes est essentielle. Les salariés doivent savoir à qui s’adresser et comment leur plainte sera traitée. La désignation d’un référent harcèlement dans les entreprises de plus de 250 salariés est obligatoire depuis le 1er janvier 2019.
La protection des victimes et des témoins
L’employeur a l’obligation de protéger non seulement les victimes de harcèlement, mais aussi les personnes qui témoignent ou qui dénoncent des faits de harcèlement. Aucune mesure discriminatoire, directe ou indirecte, ne peut être prise à leur encontre, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.
La loi Sapin II du 9 décembre 2016 a renforcé la protection des lanceurs d’alerte, y compris dans les cas de dénonciation de harcèlement. L’employeur doit mettre en place des procédures permettant le recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels.
Les sanctions en cas de manquement
Le non-respect des obligations en matière de lutte contre le harcèlement peut entraîner de lourdes sanctions pour l’employeur. Sur le plan pénal, le harcèlement moral et sexuel est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables et encourent une amende pouvant aller jusqu’à 150 000 euros.
Sur le plan civil, l’employeur peut être condamné à verser des dommages et intérêts à la victime pour le préjudice subi. La jurisprudence a établi que l’employeur manquant à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs commet une faute inexcusable lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Les bonnes pratiques pour une politique anti-harcèlement efficace
Au-delà des obligations légales, les employeurs ont tout intérêt à mettre en place une politique proactive de lutte contre le harcèlement. Cela passe par la création d’un environnement de travail respectueux où chacun se sent valorisé et en sécurité.
La communication joue un rôle clé. Les employeurs doivent régulièrement rappeler leur engagement contre le harcèlement et encourager le dialogue ouvert sur ces questions. L’organisation de groupes de parole ou la mise en place d’une ligne d’écoute confidentielle peut aider à libérer la parole.
L’évaluation régulière du climat social de l’entreprise, par le biais d’enquêtes anonymes par exemple, permet de détecter les problèmes potentiels avant qu’ils ne s’aggravent. Les employeurs doivent être particulièrement attentifs aux signaux faibles qui peuvent indiquer un mal-être au travail.
Enfin, la collaboration avec les représentants du personnel est essentielle. Le Comité Social et Économique (CSE) doit être impliqué dans la définition et la mise en œuvre de la politique anti-harcèlement de l’entreprise.
La lutte contre le harcèlement au travail est une responsabilité majeure des employeurs. Elle nécessite un engagement constant, des actions concrètes et une vigilance de tous les instants. En respectant scrupuleusement leurs obligations légales et en allant au-delà par la mise en place de bonnes pratiques, les employeurs contribuent à créer un environnement de travail sain et épanouissant pour tous leurs salariés.